Allez, je me jette à l’eau.
Cher lecteur, voilà déjà quelques temps que je me sens comme un poisson hors de l’eau. Vous l’aurez constaté : je n’écris plus rien. Une absence que je regrette profondément, et à laquelle je vais tenter ce soir de mettre fin.
En réalité, j’ai tenté plusieurs fois de laisser aller ma plume à ses élucubrations nocturnes qui m’ont fait vivre tant de choses avec moi-même et qui m’ont permis de partager mon intimité avec vous, pourtant si loin de moi . Mais j’éprouve, depuis maintenant des mois, une difficulté insurmontable à publier un article. D’une part, j’ai eu peu de temps à consacrer à l’écriture. J’aurais certainement pu en trouver, mais je ne l’ai pas fait car dans la vie, nous avons tous plusieurs familles. Il y a la famille littéraire, mais le sang et l’amitié règnent dans ma demeure. J’ai cependant l’impression de vous avoir trompé. D’autre part, mes derniers sujets se révèlent être, après relecture, d’une très piètre qualité. Lorsque je les relis, plutôt que de me donner envie de poster à nouveau, je ressens cette envie de tout supprimer, tout déchirer, tout brûler. Pourtant tout n’est pas mauvais. Certains articles sont même plutôt bons.
L’écriture est un jeu qui comporte des pièges. J’ai tenté de les déjouer, mais je n’y suis pas arrivé. Au début, je n’étais pas conscient de ces guets-apens. Je laissais mes doigts pianoter sur mon clavier, vous livrant directement ce qui sortait de mes veines et de mes larmes. Mais avec le temps, j’ai eu cette soif de perfection. Mes dernières productions s’avèrent être parfaitement léchées, retouchées. Certes, elles sont jolies et sentent bon le linge propre, mais je n’y reconnais plus ma patte tant les mots m’ont mis sur la mauvaise route. Je commençais en prose, terminais en vers, modifiais telle ou telle strophe pour la rendre mélodieuse, pour obtenir au final un sujet que je ne voulais pas traiter. Je me suis en quelque sorte violé l’esprit, et je me sens sali.
L’écriture, bien qu’elle soit une de mes amours, est très éprouvante. Vous le savez probablement, que vous vous soyez déjà prêté au jeu ou non. Je connais souvent cette frustration de ne pas pouvoir sélectionner la bonne formulation, le bon mot. Comment vous transmettre ma peine la plus profonde, lorsque je ne parviens pas à mettre de mots dessus ? Comment parler d’amour, alors que ce terme a une définition personnelle qui ne correspond probablement pas à celle que vous avez ? Là réside toute la subtilité du français. Je n’oserais me comparer à un Rimbaud, mais ce dernier parvenait à faire ressortir des sentiments si intenses, si réels, des sensations si vraies que l’on avait l’impression d’avoir écrire ces poèmes soi-même.
Alors oui, j’ai abandonné. J’ai baissé la plume, je me suis emprisonné dans ma citadelle de verre, laissant les mots des autres m’affecter, me faire voyager, me faire pleurer, me faire rester. Mais même en cessant mes activités, je me sens dénudé. Il me manque une dimension, et aussi étrange que cela puisse paraître, vous me manquez terriblement. Vous ne vous manifestez pas souvent, mais votre lecture veut dire tellement pour moi. Lorsque je vous écris un message, j’ai l’impression de donner un sens à ma vie. C’est quelque chose de concret, de beau. J’aime faire passer un message, parler de ce que j’aime, de ceux que j’aime. J’aime vous transmettre mon avis sur tel évènement, ma révolte face à telle actualité. Lorsque j’écris, j’ai l’impression d’importer à quelqu’un. Vous ne me voyez pas, vous lisez en moi. C’est un sentiment comparable à l’amour.
Je vais donc tenter de relever le défi de me soumettre à nouveau à la plume, en évitant les fossés dans lesquels je me suis jeté par le passé. Vous l’aurez remarqué, l’écriture de cette lettre est simpliste. Je n’ai pas tenté de sublimer la langue qu’il m’a été donné de travailler. Je vais revenir au fond, au cœur, plutôt qu’à la peau de douceur satinée que je vous ai livrée dans mes derniers articles. Plus de simplicité, de clarté, d’honnêteté. J’espère que cela fonctionnera, sans quoi vous me le ferez probablement savoir. Je compte sur vous car vous ne m’avez jamais laissé tomber. Je reviens à vous, comme un chat qui rentre de fugue, affamé. Je suis affamé de vous, je suis affamé de nous, je suis affamé de tout.
Bien à vous,
Tom
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