J’ai toujours considéré que demander pardon était l’une des
tâches les plus difficiles à accomplir au monde. Du moins, en ce qui concerne
les vrais « pardon ». Si vous saviez le nombre de « désolé »
non pensés que j’ai pu prononcer au cours de mon existence… Après avoir fauté,
se présenter face à la personne blessée, trompée, arnaquée peut se révéler plus
que délicat. Cette crainte d’une colère trop puissante pour essuyer le péché de
discorde, ou encore l’appréhension à l’idée que notre culpabilité ne soit pas
prise au sérieux me paralysent de tout mon être. Mais outre ce supplice qu’est
à mes yeux l’absolution, apparaît une corvée d’une difficulté bien plus
prononcée encore : l’accord du pardon.
Certains pardons sont bien plus simples à octroyer que d’autres.
Lorsqu’il ne s’agit que d’une bousculade, un malentendu, ou encore une parole
certes blessante, mais prononcée dans un moment d’absence ou de bêtise, lorsqu’il
ne s’agit que de broutilles de ces sortes, pardonner ou opter pour le chemin de
la colère ne relève pas d’un dilemme cornélien.
En revanche, en cas de douleur profonde, de cicatrices trop
récentes ou trop purulentes, l’épreuve du pardon exerce en nous une action ma
foi très curieuse. L’esprit le plus droit et tenant le cap se retrouve pris d’une
espèce de pulsion lunatique incontrôlable qui le ronge de part en part. Un
temps apaisées, le suivant, piquées à vif, les cordes sensibles se retrouvent
étirées entre la compréhension que l’on peut avoir de la situation, et bien au
contraire, cette rage que l’on éprouve en réexaminant les images et instants
blessants.
L’envie d’accorder le pardon et la nostalgie du bon vieux
temps qu’elle suscite sont parfois très fortes, mais, comme un train attendant
le personnel d’aiguillage à l’approche d’un embranchement, cette colère
piquante au plus profond de nous ravive des sensations douloureuses telles que
des gifles furtives, des chutes au ralenti ou des pincements au cœur qu’aucun
pacemaker ne semble pouvoir apaiser.
C’est alors que le choix s’impose. Ces situations
inextricables nous mènent souvent à l’octroi d’un pardon restant blessé tout au
fond ou à un rejet torturé de doutes. La vie n’est-elle pas composée d’une
chaine infinie de doutes au final ? Dans de nombreux cas, il arrive de se
demander si la solution sélectionnée était vraiment la bonne. Le plus important
dans de tels cas est de suivre s conscience et de se rapprocher le plus
possible de la situation dans laquelle nous nous retrouverons le moins lésés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
GGB Company inc.