La vie semble être devenue une course de voitures. Nous
sommes supposés nous frayer un chemin d’entrechats entre les contretemps, les
temps morts et les temps d’antenne. Chronométrés depuis notre naissance, de
jeunes parents s’inquiètent bien souvent que leur enfant ne parle pas dès sa
quatrième semaine de vie. Ensuite vient l’étape de la marche, quel drame si le bout
’chou de la voisine esquisse ses premiers pas alors que votre bambin se tient
toujours sur quatre points d’appui. Et bientôt démarre l’engrenage millimétré
de l’éducation scolaire. Des programmes à suivre, une échelle à respecter, ne
pas dépasser la norme, mais ne pas la louper. Et ce jusqu’à l’offre d’emploi,
si la personne a respecté les codes imposés. Sinon, sa vie est un échec.
Ensuite il s’agit de travailler plus qu’on ne s’amuse, se fixer des interdits
durant son temps libre afin de ne pas perturber les jours de travail acharné et
ainsi conserver son boulot précieux. Si bien que lorsqu’une personne est en
congés, ses premiers jours sont souvent marqués par un réveil très matinal,
tant son organisme est drillé par la cadence du travail. Enfin, une fois la
pension atteinte, si aucun cancer ou accident n’a mis fin au temps imparti,
nous avons tout le temps de nous amuser et d’accomplir nos rêves.
Malheureusement, cette fois, c’est souvent l’énergie et les finances qui font
défaut durant cette période de la vie. Le temps, c’est de l’argent.
Notre société actuelle offre tout son temps à la
chronophagie. Les grands de ce monde ne cessent de nous proposer de nouvelles
petites merveilles technologiques, de grandes idées et de petits gadgets sensés
nous faire gagner du temps. Il en va de même pour les réseaux sociaux nous
promettant une connexion aux gens qui comptent sans limite, qui, au fond, ne
font que nous hyperconnecter. Il y a peu, après avoir déploré auprès d’une amie
résidant à quelques dizaines de kilomètres de chez moi le peu de temps que j’avais
à lui consacrer pour une rencontre, j’ai réalisé que les minutes passées sur
mon téléphone ou sur Facebook, si elles étaient mises côte à côte pouvaient
très vite se transformer en heures que j’aurais pu passer à boire des verres en
sa compagnie.
C’est pourquoi j’ai envie de me déconnecter de ce temps
passé face à l’écran, pour revenir au réel, aux vrais moments de beauté, de
joie, de souvenirs. Pourquoi partager chaque moment de sa vie ? On ne vit
alors notre vie qu’à moitié. Certains me taxeront d’hypocrisie, or, ce discours
n’est pas une critique des autres. Je fais partie de cette génération, de cette
masse d’hyperconnectés. Mais ce constat m’attriste : nous tendons sans
cesse vers le chronophage.
J’arrive, le temps d’éditer mon statut. Le temps de plier
bagages, de fermer la porte et de courir à la gare. D'éviter les perles de
pluie et de courir vers toi, et j’arrive. Le temps de vivre ma vie, d'attendre la mort, et de m'ennuyer vite, j'arrive.
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