mercredi 29 septembre 2010

La rose sauvage.



Je n’ai jamais compris les crimes passionnels. Du moins, je ne les avais jamais compris. Tuer l’objet de sa passion revenait selon moi à tuer sa propre passion. Sans passion, pourquoi vivre ? Cela reviendrait à respirer sans poumons pour moteur existentiel. C’était inconcevable. Pourquoi utilise-je l’imparfait ? Car cette pensée est désormais révolue. J ai tué l’amour de ma vie. Je me suis moi-même tué.


Il était blond comme les blés. L’azur de ses yeux exprimait à la fois la froideur de son âme et la chaleur de son cœur. Sa vue me réchauffa comme aucun soleil n aurait pu le faire, comme nulle étreinte n’aurait été capable de me tempérer. Paradoxalement, cette vision me glaça le sang. J’en fus pétrifié. Il avait le regard triste qu’ont les anges déchus. La pureté de ses traits me transporta à mille lieues de moi-même. C’était alors un jour d’été indien, au bord d’une rivière de campagne.


(Qu’aurais-je pu désirer de mieux qu’un environnement épuré pour une telle rencontre ? Quelques instants plus tard, ce fut au tour de sa voix de m’emporter. Son timbre enfantin me rajeunit de 15 ans au moins. Si seulement nos pupilles ne s’étaient jamais rencontrées…


Je l’appellerais « ma rose sauvage ». C’est ce qu’il était. Il était aussi nocif qu’une épine acérée et à la fois, il avait ce charme naturel propre aux fleurs nature. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je l’aimerais et que, d’ailleurs, je l’aime toujours. Il avait une naïveté infantile qui lui donnait un caractère tellement consubstantiel, tellement rare. C’était beau. Il souriait au masque que porte la vie. Il croyait sincèrement qu’elle était si belle. Tellement naïf…


Dès l’instant où je l’avais aperçu, je sus qu’il serait le seul capable de m’ébranler de cette manière si pure. Personne ne m’a plus jamais produit un tel effet. Il était unique. Je me promis de tout faire pour préserver cette aptitude intérieure. C’est ce que je ferais. Je veillerais sur lui jour et nuit. Il serait ma seule raison de respirer, de penser, de pleurer. Car, oui, malgré la perfection de cette créature magnifique, je ne serais pas heureux. J’aurais tellement peur que la vie le rende commun et blasé, comme la plupart des êtres peuplant cette terre. Cette crainte me rongerait de plus en plus. Elle me brulerait et me glacerait le cœur. Elle m’asphyxierait et me viderait les poumons. Elle m’obséderait. Cet enfant courait vers l’âge adulte. Je ne voulais pas qu’il grandisse. Bien vite les transformations apparaitraient. Je ne reconnaitrais plus cette voix qui m’avait fait alors tant d’effet le premier jour. Ses yeux perdraient également de leur éclat. Ils regarderaient désormais avec assurance vers l’avant, tel un homme. Il grandirait. Il se mourrait. Je ne pourrais supporter cette vue. C’est alors que je pris une décision. Je tiendrais ma promesse jusqu’au bout.)


Son blond avait viré au châtain, l’eau altérant sa perfection impubère. L’azur de ses yeux exprimait la froideur de son âme et de son corps. Sa vue me réchauffa comme aucune perfection éphémère n’aurait pu le faire. Comme nulle rose sauvage encore en vie ne m’aurait enflammé le cœur. Paradoxalement, cette vision me glaça le sang. Je fus pétrifié. Son regard inexpressif d’ange blessé et la pureté de ses traits étaient désormais immortels. Il était désormais à mille lieues de lui-même. Ce soir d’été indien, dans cette rivière de campagne, je scellai à tout jamais la beauté ultime sous cellophane.

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