samedi 11 septembre 2010

Défilances Nocturnes.



Me voici face à ce tableau décadent, visant une lune épurée, épatant ce ciel vivant. Je lève les yeux afin de trouver l’espoir et l’idée que les choses pourraient aller mieux. Je lève les yeux comme on lève le poing face à ce que nous réserve un destin incertain. Je lève les yeux en signe d’avancée, de déterminisme à cheminer. J’ai décidé de courir, puisque la vie me rattrape sans cesse. Je lève les yeux pour masquer mes larmes, bien que bénéfiques dans cette nuit de diamant. Je lève les yeux, par révolte de les avoir baissés tant d’années. Je lève les yeux pour trouver la lumière de l’espoir, qui me transportera loin de la réalité diurne.


La lueur m’attire : je l’ai découverte, elle cherche à m’attraper. Elle me dévore et m’affame. Un paradoxe parmi tant d’autres. Elle saisit mes yeux et mon esprit. Je délaisse un instant mes tracas pour me soucier de cette lumière obscure. J’ai toujours aimé la nuit. Je l’ai toujours préférée à la complexité du jour. J’écris la nuit, je rêve la nuit. Je fais l’amour la nuit, je pleure la nuit. J’existe, la nuit, j’y cultive ma vie. C’est elle qui détermine ma journée. Cette nébulosité force mes yeux à se plisser. Ils luttent contre cette force invisible, insensible pour celui qui clôt son âme et ses paupières, contre ces larmes qui me viennent. Ils luttent car ils savent combien la récompense est belle. J’aime la douceur nocturne dans le carcan étincelant d’étourdissements pales.


Cette fois, je décide de me laisser emporter. Les pupilles obstruées d’obscurité, je scrute ces astres fidèles. Je leur parle. Ils me répondent. Il n’est nullement question de cordes vocales dans cette discussion. Seul mon regard hypnotisé par cette valse immobile et pourtant si furtive demeure. Je danse avec cette nuit d’argent, la frénésie emporte mon cœur pour ne plus le laisser battre la mesure terrienne. Pas un seul de mes membres ne trahit cette danse secrète. Je suis simplement allongé, envouté par cette œuvre unique au monde, et unie au monde.


Mes sens sont aux aguets. Je perçois soudainement la venue d’un hôte. Je l’invite à me rejoindre et me prépare à le recevoir. Un reflet brusque apparait au fin fond de cet univers qui ce soir m’appartient. C’est une filante. Je l’observe un court instant, le seul qui me soit offert. Je fais un vœu. Je prie pour que cette lune soit encore là demain. Ce sera le cas, et je le sais, mais ce spectacle resplendissant me touche tant que, égoïste, je voudrais qu’il m’appartienne à jamais.


Enfin, tout s’anime. Oui, tout. La voute céleste s’éclaircit peu à peu. Le bleu se dégrade, les étoiles mettent les voiles, le pointillisme étincelant laisse place à une unité déconcertante. La vie s’anime autour de moi. Je ne la vois pas, elle ne m’intéresse point. Je cherche à capturer ces derniers moments d’osmose pour les placer dans mon escarcelle. La fatalité l’emporte. C’est un nouveau jour fougueux qui se lève, bousculant violement cette nuit si sage.


Le sommeil m’emporte peu à peu, je me laisse partir. Il vient à ma rescousse. Lui seul semble me comprendre. Les hommes n’admettent pas qu’une vie nocturne s’établisse dans leur monde. Les hommes sont des êtres fermés. Ils vivent leur routine, et voudraient que le commun des mortels s’y conforme. Je m’y oppose. Je refuse d’entrer dans leurs projets. Je veux vivre dans le noir, car j’y vois plus clair. Alors, je prolonge mon expérience en rêvant. Tout rêve touche à sa fin et c’est en cette journée impolie que l’évidence me place au pied du mur. Pour moi, la journée représente un concept différent. Elle repose sur un bruit incessant, arrogant et sur des règles préalablement établies par des personnes dites « supérieures ». La plupart du temps, je la renie, et je dors. Elle me donne mal la tête et me déprime. Le jour est pour moi une prison dont je m’évade quelques heures chaque soir, pour être à nouveaux sous les verrous le lendemain. Mais ce que je n’admets pas dans ce concept, c’est cette impression de clarté, de réalité. Ce bonheur illusoire qui ne m’a jamais tenté.


La nuit porte conseil lorsque le jour tient beau discours. Dans ce palais aux mille merveilles, dois-je vivre aveugle ou mourir sourd ?

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